Les croquettes pour chèvres et autres observations sur les visites à la ferme
Arpenter les allées d'une ferme dorlote autant l'âme que de circuler entre les rayons d'une bibliothèque ou parmi les arbres d'une forêt. Les maisons d’animaux construites par les humains en font voir de toutes les couleurs à nos sens et nous rappellent que peu importe ce qu'on traverse, peu importe si notre besoin du moment est de partir sur une île déserte dans une autre galaxie, il y aura toujours un endroit peuplé d'êtres vivants qui vont te regarder dans les yeux sans jugement, sans hostilité, et t'apaiser par leur simple présence. Les visites à la ferme sont thérapeutiques.
Les visites à la ferme et la vibe des employés
Pour prendre soin de ces êtres à plumes ou à poils, il faut des êtres en bottes de caoutchouc. Je constate souvent lors de de mes visites à la ferme qu'il y a deux catégories d'employés. Premièrement : les absolument charmants et avenants. Oui, ceux qui considèrent chaque précieux pensionnaire comme son enfant et les visiteurs de la pension comme des amis de leurs enfants. Ils nous sortiraient presque du jus de fruits et un gâteau aux carottes pour qu'on prenne un goûter tous ensemble. J'aime d'amour ces gens de ferme.
Deuxièmement, il y a les employés dont le beau sourire s'est éteint. J'ai une hypothèse qui expliquerait leur écoeurement, et lorsque j'y pense, ma compassion à leur égard s'expand comme la queue d'un paon. Ma théorie la voici : ces gens ont développé une phobie bien spéciale, qui ne porte pas encore de nom officiel, ils ont la phobie des jeunes femmes en souliers propres, qui ont mis beaucoup de parfum avant de venir et qui font beaucoup de selfies avec beaucoup d'animaux avant de repartir.
Qu'elles soient dans leur salon ou à Capri, c'est déjà long quand elles souhaitent se photographier en solo et à leur meilleur, alors quand en plus un paon ou un cochon doit collaborer en restant mignon et immobile, cela donne un spectacle qui, s'il devait être rejoué tous les jours sous mes yeux, me plongerait moi aussi dans une angoisse sans précédent.
Et si ce n'est pas que leur passion animalière des débuts s'est fait plumer par les selfies incessants de jeunes femmes (de messieurs aussi en fait) et par l'omniprésence de traces de roues de tracteur, ils sont peut-être tout simplement las de ramasser des excréments d’alpagas, de cochons et de poneys, et las de gratter des chiures de poules et de dindons au sol et sur les murs... ? Cela constituerait une deuxième hypothèse qui se tient plutôt bien.
Les visites à la ferme et les photos à gogo
Les mamies qui accompagnent leurs petits-enfants font des photos avec leur iPad, et je crois que les choses plus attendrissantes qu’une mamie qui fait une photo avec un objet aussi grand qu’une pelle ramasse-poussière se comptent en nombre tout de même restreint. Oui, j'avoue fondre à chaque fois quand je vois une mamie ou un papi tenir ce qui lui sert d'appareil photo exactement comme on tient son volant de voiture.
En fait, tout le monde ou presque prend des photos à tout-va lors des visites à la ferme et, à l’instar des photos de canards prises au parc et qui occupent de l’espace de stockage dans nos téléphones, nous ne nous soucierons pourtant plus jamais de ce cochon rigolo ni de ces oies dans l’avenir. Ma main à couper que nos photos de cochons d'Inde endormis dans leur paillis ou de poneys en train d’être debout dans leur enclos ne tiendront jamais la vedette lors de nos futures soirées entre amis car : « - Eh les gars ! On est allé à la ferme samedi et on a vu des lapins ! – Des lapins ??! J’te crois pas. Vas-y faire voir ! J’en ai jamais vus en vrai !! » est une discussion qui n’aura jamais lieu.
Les chèvres tu ravitailleras lors de tes visites à la ferme
À la section des chèvres, on a installé une machine distributrice de petites croquettes pour chèvres, et si tu n’en achètes pas une poignée pour tes enfants, tu te sentiras mal au bout de quelques secondes, car tu peux être certain qu’un parent autour de toi, voyant ta progéniture tristounette de ne pouvoir nourrir les animaux, lui offrira quelques croquettes payées de sa poche et originellement destinées à ses propres enfants. Double culpabilité pour toi. Alors sors ta pièce de 2 dollars et achète cette poignée de croquettes pour chèvres à ton enfant, va. Oui, même si tu sais que la moitié va tomber au sol et que les chèvres ont de toute façon ingurgité suffisamment de ces petites gâteries pour les deux prochaines années.
Lorsque tu sortiras de la ferme, tu ne seras pas certain de pouvoir te gratter la joue ou même de pouvoir toucher à ton téléphone en toute tranquillité. Tu as beau avoir mis de la petite lotion désinfectante accrochée au mur en sortant, au fond de toi tu sais que tu n’es pas spécialiste en pathologies animales.
Ton manque d’expertise sur les germes pouvant siéger dans de la salive de chèvre ou dans des poils d’alpaga ne te dit rien qui vaille et, bien que l’efficacité du système immunitaire de tous les membres de ta famille soit l’une de tes grandes fiertés, personne n’aura l’autorisation de manger sa collation ou de se toucher le visage tant que vous ne vous serez pas lavé les mains et les avant-bras à l’eau chaude et au savon pendant sept minutes.
Tu sais qu’aux douanes on demande aux voyageurs s’ils ont visité une ferme dans les six derniers mois, et tu te dis que ce n’est sûrement pas pour établir des statistiques sur le temps de qualité passé en famille chez le Canadien moyen.
Comme à chaque fois, tu trouves qu’un veau c’est mignon, et que ça n’a rien à faire dans une sauce aux champignons.
Comme à chaque fois, quand le cheval fait pipi, les enfants rient.
Comme à chaque fois, toi et ta petite famille quittez les animaux le cœur en joie.
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