Le plaisir de conduire, d'être sur la route
Au volant je suis, comme tous les autres autour de moi, dans ma propre bulle de taule, avec le privilège de pouvoir me déplacer beaucoup plus vite que ce à quoi ont été habitués nos ancêtres pendant des millénaires. Premier aspect positif de la conduite, donc. Être dans sa bulle. Et dans une bulle réelle. Pas dans une bulle imaginaire, dont l'enveloppe est perceptible par les autres grâce aux seules ondes inhospitalières que tu dégages. Non une vraie bulle, qui te permet d'être en solo pour de vrai.
Bien sûr il m'arrive souvent de baisser mes vitres, d'étendre mon bras pour lutter contre la force du vent, ou d'être en communion avec l'extérieur, tout simplement, mais j'aime aussi me sentir comme dans un sous-marin terrestre impénétrable, écouter ma musique, et profiter de ces moments de solitude pour travailler mentalement sur certaines situations voleuses d'oxygène qui traversent ma vie.
Oui, mon siège de voiture est mon fauteuil de psy, en plus il est chauffant, en plus il coûte moins cher que celui d'un psy, en plus la route m'écoute sans poser de questions.
Je ne sais pas si le cerveau se calque sur l'action de la voiture, sur la nécessité de cheminer lui aussi, mais ça fait 20 ans que je conduis, et lors de moments difficiles, être au volant a toujours eu une petite action salvatrice sur mon psychisme. Même si elle est parfois infime, elle est là.
Les plaisantins de la route
Conduire ne rime pas toujours avec évasion mentale et sérénité. Parfois, on peut en effet croiser la route de quelques plaisantins (ce n'est pas ainsi que je les nomme quand j'ai affaire à eux mais sur mon blog, je m'efforce d'éviter les insultes se rapportant à l'anus ainsi que la vulgarité en général).
Une fois donc je me suis retrouvée sur la même route qu'un plaisantin particulièrement culotté. Un vrai coquin, ah là là. Il n'avait pas été très très gentil avec moi dans le trafic et j'avais applaudis ironiquement pour le féliciter. Un peu plus loin, alors que nous étions toujours dans le trafic, nous nous sommes retrouvés côte à côte. Il m'a alors dépassée en me regardant, et en mimant une fellation avec beaucoup d'application. Il avait vraiment l'air d'y croire, à sa fellation. C'était fascinant.
Ne pouvant quitter ma voiture pour aller lui ôter sa cravate, la nouer autour de la base de son pénis de plaisantin, et serrer très fort pour le sectionner d'un coup net, tel une patate douce qu'on voudrait couper d'un seul coup de lame - TCHAK ! -, je me suis contentée d'une réaction hautement édulcorée, et je lui ai fait un doigt d'honneur avec force sincérité. Voilà. Un de mes exemples de rencontres, sur deux décennies de conduite, avec un plaisantin de la route.
Solidarité ?
Avez-vous remarqué, sur la route, on assiste à un élan de solidarité remarquable des êtres humains entre eux ? Je parle des appels de phares aux amis éphémères qui roulent en sens inverse, pour les informer que la police les attend avec son radar et son carnet de contraventions. Mais j'ai réfléchi à un truc et... je crois que j'ai raison. Ce n'est pas pour éviter une amende aux autres que ceux qui font ça le font. C'est parce qu'ils n'aiment pas beaucoup beaucoup les policiers, et qu'ils veulent leur ôter le maximum d'opportunités de choper des automobilistes pressés. Ce n'est pas tout à fait la même chose :-D
Amis de conduite
Ils se déclinent de bien des manières. Les nuages en sont. Ils sont beaux à regarder. Font travailler notre imagination. Se laissent interpréter à notre guise. Si tu as envie de dire qu'il ressemble à une licorne, ou à la Chine, ou à un filtre d'aspirateur, il ne te contredira pas, le nuage. Tant que tu le remarques dans sa courte existence, que tu lui donnes de l'attention, ce nuage est heureux et peut bien être une pâle copie d'un Dracula anémique si ça te fait plaisir.
Les envolées d'oiseaux. Elles sont majestueuses et tu pardonnes à leurs membres de te narguer depuis le ciel car leur chorégraphie impeccable et improvisée t'offre un spectacle gratuit.
Les camions de transport et leurs plaques d'immatriculation diverses, qui me replongent dans les souvenirs de mon merveilleux roadtrip jusqu'à l'extrême ouest du Canada et de mes différents voyages dans les provinces maritimes, font aussi partie de mes amis de conduite. Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Saskatchewan, Ile-du-Prince-Édouard, Nouvelle-Écosse, vous êtes gravées dans ma tête.
Spotify, mon meilleur ami sur la route.
Ex aequo avec le soleil en fait.
Qu'il se couche.
Qu'il se lève.
Qu'il dorme.
Ou qu'il m'aveugle.
Et finalement les paysages. Qu'il s'agisse de la lunaire Saskatchewan ou du centre-ville de Montréal vu de loin, sur la route je suis une contemplatrice. Une contemplatrice méga alerte, cela dit.
Une pensée pour Yves, mon prof de conduite
Mon prof de conduite a déjà pleuré de rire à mes côtés. Littéralement. Je m'entraînais cette journée-là à me garer en parallèle dans un espace étroit, dans une rue en pente, avec des voitures qui attendaient derrière moi. Un rêve éveillé. Et j'ai, sans le vouloir, mis en route les essuie-glaces à la vitesse maximum, en cette journée de grand soleil. Mais. J'ai décidé de consacrer chaque précieuse seconde de ce moment crucial à dégager la rue au plus vite, plutôt qu'à replacer le bras des essuie-glaces. Stress + inexpérience, quand vous nous tenez.
Je vous laisse imaginer la scène.
Je garde un excellent souvenir de mes cours de conduite. J'ai appris à utiliser une automobile avec la personne la moins stressée et stressante de la Terre, qui aimait beaucoup déconner qui plus est. J'espère que ce monsieur, qui doit avoir aujourd'hui autour de 80 ans, est toujours parmi nous.
Poème final
Et le bout de zizi tomba
Tel un petit morceau de chorizo
Et sous la pédale de frein roula
Criant au secours à son proprio
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